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On peut constater encore plus d'arbitraire dans la formation de ce qu'on appelle noms déposés, dénominations données aux nouvelles inventions. Ces mots peuvent indiquer:

d) Des appareils: avion, cataphote, catadioptre, diotaphone, delco, klaxon.

d) Des alliages: alfénide, nichrome, dural (duraluminiun).

e) Des tissus, des fibres synthétiques ou d'autres substances plastiques: albène, nylon, orlon, tergal, bakélite, cellophane, plexiglas, rhodoïd.

e) Notions de différents autres domaines: thermos, cinérama, cinémascope, ping-pong, carborundum.

Ce procédé a beaucoup de vitalité, les mots créés de cette manière ayant une circulation si large, qu'une partie en ont même des dérivés (klaxonner, klaxonnement).

 

§ 21. La conversion (ou derivaton impropre)

Le moyen interne de former des mots nouveaux consiste en ce que certains mots acquièrent une seconde catégorie grammaticale: des mots qui appartiennent à une partie du discours passent aussi dans une autre, tout en conservant la fonction morphologique antérieure, c'est-à-dire tout en continuant d'exister dans la langue dans le système de la partie du discours originaire.

Le dédoublement de catégorie grammaticale est suivi de l'apparition d'un nouvel aspect sémantique et c'est justement ce qui occasionne et explique ce changement. Le mot ainsi formé représente un homonyme du premier, ces deux homonymes remplissant des fonctions lexico-grammaticales différentes.

Cette extension à une seconde catégorie grammaticale est appelée par les linguistes français dérivationimpropre, par les linguistes anglais et soviétiques conversion. Le linguiste Kr. Nyrop dit que la dérivation impropre est lé procédé par lequel on tire d'un mot existant un autre mot, en lui attribuant simplement une fonction nouvelle. La conversion ou dérivation impropre est un des plus productifs moyens d'enrichissement du vocabulaire et, bien que très ancien, il conserve de nos jours toute sa vitalité.

L'avantage de la conversion est d'éviter l'emprunt des mots étrangers ou la formation des mots composés pour désigner les notions nouvelles. Par le passage dans une autre catégorie grammaticale, le mot déjà connu ne présente aucune difficulté pour la compréhension. Ainsi, il y avait en français l'adjectif linguistique, dérivé du latin lingua; quand le développement des études des langues a demandé la formation d'un mot désignant cette science nouvelle, au lieu de dire la science linguistique on a dit tout simplement la linguistique. Pour dénommer la même science, d'autres langues ont du recourir à la composition: l'allemand a formé Sprachwissenschaft (de "Sprache" = "langue" et "Wissenschaft" = "science"), le russe a formé le mot ЯЗЫКОЗНАНИЕ (de "ЯЗЫК" = "langue" et»'ЗНАНИЕ"= "science").

Dans l'ancien français les adjectifs et les adverbes étaient peu différenciés, de sorte que les adjectifs étaient souvent employés comme déterminatifs des verbes. Ainsi s'explique le fait qu’ il y a dans le français contemporain des adverbes comme mal et vite, qui ne s'emploient plus comme adjectifs (au XVII-e siècle on employait l'adverbe vitement).

Il y a d'autres adjectifs (bon, cher, clair, droit, juste) qui peuvent être aussi adverbes, mais leur emploi en cette dernière fonction est limitée. Par exemple, bon s'emploie comme adverbe avec les verbes sentir, tenir, juger; cher avec acheter, vendre, coûter, payer; clair avec sonner, voir; droit avec aller, monter, marcher; court avec tourner, couper, demeurer. Par exemple: tourner court = "tourner dans un petit espace", "s'arrêter brusquement, sans'conclure"; couper court = "arrêter une conversation, un récit"; demeurer court = "oublier ce qu'on voulait dire". Mais avec d'autres verbes il faut employer des adverbes dérivés des adjectifs. Ainsi, on dit voir clair, mais dire clairement son opinion, expliquer clairement.

Cet emploi adverbial des adjectifs est assez en vigueur dans le français contemporain. On dit "parler franc", "un homme frais débarqué dans la ville", "avoir beau faire", "parler haut", "porter haut la tête", "boire sec", "crier fort", "s'ennuyer ferme", "filer doux", "rire jaune", "voir grand", "écrire distingué", etc. Dans les oeuvres littéraires on trouve des exemples intéressants d'emploi adverbial des adjectifs: "Les paysans besognaient dur sur leur terre" (Maupassant), "Ce bijou d'un sou qui sonne faux et creux sous la lime" (Verlaine), "Nous sommes au seuil d'une ère qui donnera à l'homme la faculté de penser grand " (Alexandre Ananoff), "Vous et moi, nous pensons africain, et là-bas on pense européen " (Romain Gary), "Il jugea politique de la saluer" (P. Laix),

Le cas le plus fréquent de conversion est celui des différentes parties du discours employées substantivement: tout mot peut remplir la fonction de nom, pour peu qu'on lui ajoute un article.

En premier lieu, le verbe peut devenir nom, notamment l'infinitif: le pouvoir, le penser, le parler, le lever, le coucher, le devenir, le savoir vivre. Cette substantivation des infinitifs était très fréquente dans l'ancien français, mais à présent elle est moins productive; les écrivains y recourent parfois pour des raisons stylistiques.

Les noms provenus des participes sont particulièrement nombreux. Tels sont les noms: le penchant, le tranchant, le croissant, le revenant, le négociant, l' étudiant, le participant, le passant, l' enseignant, le brillant, le tenant ("le tenant du titre"). Les participes passés devenus noms sont aussi très nombreux: le reçu, le permis, le fait, le résumé, le comprimé, le vaincu, le blessé, le p iqué ("L’aviateur a effectué un brusque piqué"), l'émigré, la fiancée, la mariée.

Les participes présents ou passés employés substantivement entrent dans un grand nombre de locutions figées. Telles sont les locutions aux participes présents: à l'avenant, d'un seul tenant, tout d'untenant, au plus offrant, les tenants et les aboutissants, n'avoir pas un sou vaillant (ici "'vaillant" est un substantif que son origine verbale permet de doter d'un complément; l'expression signifie "n'avoir pas la valeur d’un sou"). Exemples de participes passés employés comme noms dans des locutions: jeter son dévolu, à mon insu, au vu et au su de tout le monde, prendre au dépourvu.

Le verbe à 1’indicatif présent a donné un nombre réduit de noms: le manque, l’ entrave, la hausse, la baisse,1' échange, la demeure, la montre, le blâme, l’ offre, la demande, le va-et - vient. Encore moins nombreux sont les noms formés du futur et de 1’impératif; on en connaît seulement quelques exemples,comme dans le proverbe: "Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ".

Les adjectifs qualificatifs et numéraux connaissent un large emploi comme noms. Le genre et le nombre des noms provenus des adjectifs qualificatifs sont en général ceux des noms sous-entendus auprès des adjectifs: le rapide (sous -entendu: train), la capitale (ville), la majuscule (lettre), les Soviétiques (gens, citoyens), les classiques (auteurs), les anciens (écrivains, auteurs), un naïf (homme), une automobile (voiture), une permanente (ondulation).

Dans la presse et dans la littérature contemporaine on peut souvent rencontrer des exemples intéressants d'adjectifs suhstantivés, ce qui prouve la vitalité du procédé; en voici quelques uns:

- le documentaire, pour le "film documentaire";

- le plastique (le "matériel plastique");

- la générale (la "répétition générale"): "Tu viendras à ma générale" (Maurice Druon).

De même: le scientifique signifie "le savant", "le chercheur scientifique" ("Assurer le travail des scientifiques"); les immortels sont les membres de l'Académie Française; grand est employé dans le sens de "personnage important" ("Les trois grands de l'écran", G. Sadoul); les exclusives a le sens de "droits exclusifs", ("N’est-il pas temps d'en finir avec les exclusives?"); un aérien est synonyme du mot "antenne".

Si l'adjectif substantivé exprime une idée abstraite, on le met au masculin singulier: le calme, le réel, l' immédiat. "Rien n'est beau que le vrai " (Boileau), "Rien n'est plus cher que la chanson grise où 1’Indécis au Précis se joint" (Verlaine), " Le laid c'est le beau " (mot d'ordre attribué aux romantiques par leurs adversaires), "A l'impossible nul n'est tenu" (proverbe).

L'adjectif substantivé qui exprime une idée concrète prend le genre et le nombre requis par le sens: "J'étais l'indisciplinée de la famille" (Philippe Hériat).

Enfin les adjectifs sont substantivés dans certaines locutions; par exemple, dans les locutions suivantes l'adjectif long a le sens de longueur: "deux mètres de long", "tomber de tout son long".

L'emploi substantival des adjectifs numéraux est fréquent et varié, et cela s'explique par ce qu'ils ont beaucoup de commun avec les noms aussi bien qu'avec les adjectifs. Une analyse poussée à l'extrême conduit à la conclusion qu'ils for­ment une catégorie à part, que Marcel Cohen propose d'appeler "nom de nombre" ou "numéral"»

Les adjectifs numéraux cardinaux deviennent des noms s'ils sont employés avec un article: le dix, le six de trèfle, un cinq de pique, "J'ai récolté un beau deu x", " Le, deux qu'on m'a collé n'est pas justifié".

Très souvent les numéraux cardinaux entrent dans des constructions elliptiques: le Quatorze ("la guerre de 1914"), une trente-chevaux (une auto de 30 chevaux); la une c'est la première page d'un journal: "Des titres sur toute la largeur de la une", "Cette multitude est épouvantablement canonnée par nos 75" (H. Barbusse), c'est-à-dire "par nos canons du calbre de 75 mm; le onze, le XV désignent, dans le langage sportif, les équipes de football ou de rugby. Les joueurs ou les participants à des compétitions sportives sont désignés par un numéral: "Voici le dix qui dépasse le huit", "Le vingt s'est échappé".

Les numéraux ordinaux peuvent être eux aussi substantivés: "Il entre en cinquième" (classe), "Il habite au troisième" (étage), "Voici le dixième qui arrive".

Les pronoms aussi s'emploient comme noms. Voici d'abord des exemples d'emploi substantival des pronoms personnels:"Le moi est haïssable". "Il y a l'écrivain, 1e je du récit devant son livre; mais ce je-là n'est pas celui qui prend la parole" (Pierre Daix, en parlant d'Henri Barbusse).

Les pronoms possessifs les miens, les tiens, les siens, etc. peuvent avoir en général le sens substantival de "mes (tes, ses, etc.) parents, amis, alliés": "J'ai été chez les miens", «Êtes-vous des nôtres?". Mais le sens des pronoms possessifs employés comme noms peut être aussi de "ce qu'on possède": "Ils y mettent du leur".

Enfin, les noms peuvent provenir aussi des mots invariables. D'abord, des adverbes comme bien, mal, peu sont souvent employés comme noms, le plus souvent abstraits, comme dans les exemples suivants: "Savoir discerner le bien du mal", "La santé est le plus précieux des biens". Bien peut avoir aussi un sens concret: "le bien public", "le bien patrimonial". Mal peut être aussi synonyme de maladie: "mal de mer", "mal de Pott". Peu comme nom a toujours le sens de "petite quantité"; "Se contenter de peu”. Au pluriel, bien et mal, pris comme, noms, deviennent biens et maux. Les autres adverbes, aussi bien que les prépositions, les conjonctions et les interjections, employés comme noms, restent invariables au pluriel:

- "Il n'est pas facile de répondre à tous les pourquoi ".

- "Tout se résoud par des oui et des non ".

- "Elle disait des mais, puis des si " (Florian).

- Estimer tous les pour et les contre.

- "Prendre les devants ", "prendre le dessus ".

- "Des chut! indignés s'élevèrent" (Romain Rolland).

4. "Les forces agressives ne cesseront pas leur danse macabre tant que les peuples n'y mettront le holà ".

Si toutes les parties du discours peuvent devenir noms, les noms à leur tour peuvent passer en d'autres catégories grammaticales.

Le plus souvent les noms peuvent devenir adjectifs, lorsqu'ils sont employés comme déterminatifs d'autres noms. Tels sont notamment les épithètes de couleur, où l'emploi adjectival des noms s'explique par une ellipse: un ruban rose, des gants puce, une robe prune, des souliers marron, un chapeau paille, une étoffe beige, des étoffes tango. D'autres noms qui peuvent désigner des couleurs sont: cerise, chair, chocolat, amarante, jade, lilas, moutarde, noisette, olive, rouille, souris, ou des composés comme: café au lait, fleur - de-prune, gorge de pigeon, queue-de-merle.

Comme épithètes, les noms peuvent avoir divers autres emplois: "l'air diable ”, "une robe de jardin assez théâtre ", "le côté réquisitoire " (A. Wurmser), "une capacité éléphant " (M. Monod), "foule esclave " (Eugène Pottier), "Ses manières un peu peuple lui avaient acquis une popularité de bon aloi" (R«Rolland), "La fortune théâtrale est encore plus femme que la fortune mondaine" (Th. Gautier).

Il y a quelques noms dérivés, million, milliard, billion, trillion, désignation des très grands nombres, qui remplacent les numéraux cardinaux inexistants. C’est que la manipulation, des très grands nombres n’est pas ancienne; ces termes n'existaient pas chez les latins qui, pour désigner le million, s'en tiraient par une multiplication, "decies centena millia”. C'est la raison pour laquelle il a fallu des conventions pour établir le sens de billion, précédemment employé (et encore employé aux Etats-Unis d'Amérique) comme équivalent de milliard. La preuve que ce sont des noms c'est qu'on dit "cent francs", "mille hommes" (et l'on va ainsi jusqu'à 999.999), mais "an milli on de francs", avec la préposition de, comme après des noms tels que: foule, masse, multitude, somme, nombre, quantité.

Les noms peuvent devenir adverbes, surtout en construction prépositive, formant des locutions adverbiales: à pied, à force, à la pièce, à la nage, en personne, par hasa rd, à temps, de suite,par malheur. Sans préposition, le nom petit également remplir le rôle d'adverbe de manière ou de quantité: "Il parle peuple "(A. Wurmser), "Il raconte avec force détails" (M. Druon).

Les noms ne peuvent devenir verbes que lorsqu'on leur ajoute la désinence caractéristique infinitivale, -er ou –ir. Ici nous sommes à la limite entre la conversion et la dérivation par suffixes, question qui a déjà été étudiée.

Enfin, les noms ont un large emploi comme interjections, soit accompagnés d'un adjectif (Ma foi! Mille bombes!), soit seuls: Diable!Peste! Dame! Attention! Silence! Paix! Patience! Courage! Grâce! Miséricorde! Pardon! Presque toutes ces interjections sont des formations elliptiques.

Les interjections peuvent provenir aussi d'autres parties du discours, des mots significatifs ou des groupes de mots employés sans valeur nominative, pour n'exprimer qu'une émotion ou qu'une incitation à quelque chose. Ainsi:

- des adjectifs, parfois accompagnés d'un adverbe: Bon! Ferme! Tout beau! Tout doux! Pas possible!

- des adverbes ou locutions adverbiales: Comment! Arrière! Sans blague!Par exemple! A la bonne heure! Eh bien! Au secours!

- des verbes, le plus souvent à l'impératif: Va! Allons! Tiens! Tenez! Gare! Voyons! Soit! Marche! Suffit!

- des propositions entières: Ça y est! Tuparles!

Les prépositions sont parfois employées comme adverbes: travailler avec, courir après, aller devant, n'avoir rien contre, lutter contre.

Il y a des formes verbales qu'on emploie fréquemment comme adjectifs. C'est le cas des participes présents et passés. Ainsi, on dit: "un spectacle impres-sionnant", "une nouvelle surprenante ", "des élèves obéissants ", "des offres séduisantes ". On voit que, devenus adjectifs, ces participes se soumettent aux règles de l'accord des adjectifs. Quant aux participes passés, ils ont le rôle d'adjectifs s'ils sont employés sans auxiliaire, comme déterminatifs des noms, avec lesquels ils s'accordent d'ailleurs en genre et en nombre, comme les adjectifs. Exemples (tirés de Racine):

"J'ai vu mon père mort et nos murs embrasés ".

" Quelle est cette rigueur tant de fois alléguée?"

" Il juge encore de moi par mes bontés passées

Il y a aussi d’autres cas de conversion, des changements fonctionnels qui s'effectuent dans le cadre d'une même catégorie grammaticale. Puisqu’ il s'agit alors non du changement de la catégorie grammaticale, mais de l'aspect sémantique du mot en question, ces cas seront étudiés au chapitre de la sémantique.

 

§ 22. La composition

Un autre moyen interne d'enrichir le vocabulaire par la formation de mots nouveaux c’est la composition, la formation des mots composés par la réunion de deux ou plusieurs mots, dont on fait unmot unique. Par exemple: vinaigre, pomme de terre, arc-en-ciel , chauve-souris.

Par la composition, deux ou plusieurs mots existant déjà arrivent à exprimer une seule notion et une notion nouvelle; par exemple, les mots pomme et terre, réunis par une préposition, forment un seul mot, à signification nouvelle, pomme de terre. Les éléments dont on forme le mot composé perdent plus ou moins leur sens initial.

La composition présente des avantages, car elle fait éviter l'emprunt des mots étrangers. Ainsi, il y a en français le mot métrage, qui signifie "mesurage au mètre”. (par exemple: "Effectuer le métrage d'un travail de maçonnerie"). Lorsque l’art cinématographique fut arrivé à la création des films de différentes longueurs, pour les désigner on a créé les mots composés long métrage, moyenmétra ge, court métrage. Par exemple: "Ils allaient présenter au grand public leur premier long métrage", "Un remarquable court métrage", (Renaud de Jouvenel). Dans ces nouvelles formations, le mot métrage a perdu son acception initiale: en entendent ces mots, personne ne pense à un long, moyen ou court mesurage au mètre, mais à un film de grande, moyenne ou petite longueur.

Dans cet exemple, les mots nouveaux sont formés avec des mots français. Mais le plus souvent, pour dénommer les nouvelles notions scientifiques, on recourt à des mots latins ou grecs déjà employés en français. Par exemple, pour dénommer la science qui a pour objet l'étude et la réalisation de la navigation interplanétaire, on a créé le mot composé astronautique, formé d'un mot grec, astron (="astre"), qui était déjà employé dans toute une série de mots comme "astrologie", "astronome", "astrobiologie", "astrophysique", et d'un mot latin, nauticus (lui-même provenant du grec "nautès" ="matelot"), qui avait donné au fonds essentiel français l'adjectif "nautique" ("l'art nautique","les instruments nautiques").

Ainsi la composition enrichit les familles des mots anciens, au lieu d'introduire dans la langue des termes nouveaux. D'habitude les éléments dont on forme les mots composés appartiennent au fonds essentiel. La composition renforce les mots appartenant au fonds principal de la langue et donne,de cette façon, plus de stabilité au vocabulaire, partant à la langue. Elle représente donc un phénomène positif, qui enrichit le vocabulaire et lui donne de la stabilité.

En échange, les mots composés présentent aussi des désavantages: ils sont souvent très longs et présentent des difficultés concernant l'orthographe (d'un seul tenant ou séparés, avec ou sans trait d'union), la formation du pluriel, etc.

Le français use moins de la composition que de la dérivation par suffixes et par préfixes. Ce sont surtout les langues germaniques qui en usent largement: leurs possibilités sont, à cet égard, presque illimitées. En allemand, en particulier, on peut créer à volonté des composés, très longs parfois. Le français dispose cependant, lui aussi, de divers types de composés, qui sont toujours vivants, surtout dans la langue populaire.

– Il faut distinguer, tout d'abord, des mots composés très bien soudés, de sorte que les éléments dont ils sont formés semblent ne plus faire qu'un seul mot (et, en effet, ils s'écrivent tout d'un tenant). Ce sont des noms, des adjectifs, des verbes et des adverbes. Par exemple, des noms: soucoupe ("sous coupe"), gendarme ("gent d'armes"), pourboire ("pour boire"), lieutenant ("lieu tenant"), vaurien (vaut rien"); adjectifs: clairsemé, clairvoyant; verbes: maintenir, manoeuvrer ("faire une oeuvre avec la main "), saupoudrer (de "sel" et "poudre"); adverbes: toujours ("tous les jours"), autrefois, longtemps, néanmoins, dorénavant (ancien français "d'ores en avant" = "de l'heure actuelle en avant"), désormais (ancien français "dès or mais").

– Si les éléments dont on a formé le mot sont réunis d'après les règles de la syntaxe, il y a une simple juxtaposition et, en général, le trait d'union n'est pas employé: pomme de terre, trait d'union, chemin de fer, sergent de ville.

3) S'il y a quelque chose de sous-entendu, une ellipse, on la marque par un trait d'union, qui indique en même temps que les différents mots n'expriment qu'une seule notion: le chou-fleur ("le chou qui a une fleur"), des oeils-de-boeuf, le porte-cigares, un tête-à-tête ("entrevue où deux personnes sont seules"), un coq-à-l'âne ("propos sans suite", "discours où l’on passe du coq à l'âne"), des belles-de-nuit, une dame-d’onze-heures (fleurs).

4) Aux trois types précédents il faut ajouter la formation des mots par la juxtaposition des initiales de plusieurs mots, qui nomment des institutions, des organisations, etc., question déjà étudiée: C.G.T., T.S.F., etc.

Au point de vue phonétique, chaque mot composé constitue un groupe rythmique. Au point de vue de l'orthographe, il y an a qui s'écrivent en un seul mot (portefeuille, pivert, béjaune), d'autres qui s'écrivent en deux ou plusieurs mots joints, souvent par le trait d'union (un bais ble u, une sage-femme, un pied-à-terre). L'orthographe est établie par la tradition. L'écriture en un mot est plutôt exception-nelle.

Au point de vue morphologique, il y a en français un grand nombre de noms composés; les autres parties du discours composées (verbes, adjectifs, adverbes, prépositions et conjonctions) sont moins nombreuses.

Les noms composés peuvent être formés de:

– Deux noms juxtaposée ou réunis par une préposition:
chèvrefeuille, timbre-poste, wagon-lits, décret-loi, dame-jeanne, commis-voyageur, boîte aux lettres, arme à feu, présence d’esprit, mise en garde.

- Un nom et un adjectif: sang-froid, amour-propre, coffre - fort, bon sens, g entilhomme, bonhomme, basse-cour, chauve-souris, madame, monsieur, mademoiselle. Parfois l'adjectif est employé substantivement: belle-de-nuit, haut-de-chausses,


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